La MEL a tenu ses assises de la mobilité

Publié le 23 septembre 2016

C’est dans le cadre verdoyant de l’EDHEC à Roubaix que se sont tenues les Assises de la mobilité et de l’accessibilité de la Métropole Européenne de Lille. De nombreux acteurs institutionnels et associatifs se sont réunis dans l’amphitéâtre de l’école de commerce pour faire un état des lieux des problèmes d’accessibilité de la métropole et essayer d’esquisser des solutions et des méthodes notamment de gouvernance.

Dès l’introduction, nous sommes mis dans le bain en entendant Damien CASTELAIN, Président de la MEL, dire que la thrombose routière autour de Lille coûte 1,4 milliard d’euros par an aux entreprises et fait perdre 50 heures par an en moyenne à chaque automobiliste. Et ce n’est pas Philippe HOURDAIN, Président de la CCI Nord de France, qui dira le contraire puisqu’il appuie le message en disant que "si on ne bouge pas, dans 5 ou 6 ans on n’entre plus à Lille". Selon lui, il faut "agir vite, c’est une urgence pour la métropole", et pour ce faire il faut "arrêter de parler pour ne rien faire". Quant à Xavier DELEBARRE, responsable de la Direction Interdépartementale des Routes secteur Nord, il fait remarquer que "la congestion fait perdre une voie sur l’autoroute A1" : circuler sur une autoroute à 3 voies avec de la congestion, c’est comme si on avait une autoroute à 2 voies fluide. Le constat est donc unanime.

Quant aux raisons qui expliquent cette thrombose, elles sont multiples. On a entendu par exemple Agnès DEMOTIE, Présidente du Conseil de Développement de la MEL, citer le phénomène de péri-urbanisation qui génère de plus en plus de mouvements lointains domicile/travail.

Pour ce qui est des solutions, on citera notamment Bernard GERARD, Vice-Président de la MEL à la métropole citoyenne, qui a évoqué le cas de Tokyo qui a investi plusieurs centaines de millions dans la Smart City (la ville intelligente). En matière de financement, le même Bernard GERARD a rappelé que le manque d’argent public, on avait déjà connu au siècle dernier quand le Grand Boulevard Lille/Roubaix/Tourcoing a été construit. A l’époque, c’est l’industriel Alfred de MONGY qui avait réalisé et financé cet axe structurant ; un projet démesuré. Un clin d’oeil pour dire que des sources pas forcément publiques de financement pourraient être envisagées si cela s’avérait nécessaire. Tout au moins qu’il ne faut s’interdire aucune solution de financement.

Xavier DELEBARRE, de la DIR Nord, a indiqué que la régulation dynamique des vitesses sur l’A25 a permis de réduire de 2m30 (sur 11 mn) le temps de parcours moyen en heures de pointe, soit 20% de temps gagné. Ce système sera également mis en place sur les autres autoroutes (A1, A22 et A23).

Mais, au-delà des seuls aspects techniques, la modification des comportements est un facteur essentiel de la réussite. Vincent KAUFMANN, Professeur de sociologie urbaine et d’analyse de la mobilité à l’EPFL de Lausanne, a présenté une étude sociologique réalisée dans plusieurs pays européens, et qui met en évidence un "désir de ralentissement sans équivoque" évoqué par 78% des personnes interrogées, ralentissement de la vie pour échapper au stress et à l’épuisement (syndrôme de burn-out). Il a également ajouté que 75% des gens seraient prêts à réduire leurs déplacements et favoriser la proximité. Associée à cela, une nécessaire diversification des milieux péri-urbains avec moins de centralisation et la fin de l’opposition urbain/rural. Pour Vincent KAUFMANN, la minimisation des temps de déplacement n’est plus un enjeu. C’est la qualité du temps de transport qui le devient ! En cela, les transports publics regagnent de l’intérêt en ce qu’ils permettent de profiter du temps de transport, contrairement à la voiture.

Enfin, une expérience concrète intéressante a été présentée par Aernout VAN DER BEND, de l’Agence de trafic de Rotterdam. Il s’agit du "péage positif". Rotterdam est une ville dont le réseau routier est très encombré. La ville a donc décidé de payer les automobilistes pour qu’ils changent leur comportement. Comment cela fonctionne-t-il concrètement ? Des portiques équipés de caméras (l’équivalent de nos défunts portiques écotaxe) lisent automatiquement les plaques de tous les véhicules qui circulent sur les grands axes. Chaque automobiliste qui est repéré circulant aux heures de pointe se voit proposer d’arrêter de circuler pendant ces heures chargées. S’il accepte, pour chaque passage évité aux heures de pointe, l’automobiliste reçoit 3 euros, avec un plafond de 120 euros par mois. Chaque automobiliste ne peut bénéficier de ce financement que pendant une durée maximale de 6 mois. Le but est de provoquer un changement des comportements - en espérant que celui-ci dure au-delà de la période de participation au programme et donc de la période où l’on est payé. A Rotterdam, les chiffres montrent que la grande majorité de ceux qui avaient participé maintenaient leur changement de comportement au-delà de la période pendant laquelle ils bénéficiaient du financement, même si le pourcentage diminue progressivement avec le temps. Cette mesure mise en place à Rotterdam, la MEL souhaite l’adopter également. Et ce n’est pas la seule. En effet, pour conclure cette journée, Damien CASTELAIN a annoncé 10 mesures qu’il s’engageait à prendre pour créer un territoire accessible. En voici le détail.

1 - Instaurer une conférence annuelle de l’accessibilité

2 - Rédiger un schéma métropolitain de la mobilité et de l’accessibilité pour que les différents services se mobilisent ; et cela en co-construction avec les citoyens.

3 - Poursuivre à la MEL une politique ambitieuse en matière de transports publics et optimiser le rendement des 2 milliards d’euros de la DSP

- Adapter l’offre aux besoins du territoire
- Des portiques aux entrées de métro
- Renouveler le matériel tramway (206 millions sur 2017/2024), métro, bus (131 millions), système d’information des voyageurs (20 millions), extension des pôles d’échange (28 millions)

4 - Ne pas opposer les modes de transports, donc intégrer aussi les routes (2500 km de routes gérées par la MEL, auxquelles s’ajouteront en 2017 les 800 km transférés du département à la MEL, soit 3300 km au total)

5 - Accentuer les efforts sur les modes doux avec un plan vélo ambitieux : réaliser 100 km d’aménagements cyclables supplémentaires et sécuriser les points noirs cyclables, mais aussi proposer une aide à l’achat d’un vélo en contrepartie d’un engagement citoyen de l’utiliser, le tout pour 30 millions d’euros d’investissement

6 - Adapter nos politiques aux nouveaux comportements de mobilité : investissement conséquent pour développer les pôles d’échanges (Pont de Bois et Eurotélépport dans le mandat), le covoiturage et les stations d’autopartage. Egalement une stratégie d’électromobilité avec déploiement courant 2017.

7 - Influer sur les temps de la vie et de la ville (des éléments qui influent sur les habitudes). Création d’un bureau des temps ; trouver des solutions concrètes pour décaler les horaires des grands employeurs, des universités, etc.

8 - Améliorer l’information des usagers : offrir une info de qualité, en temps réel, et ce quel que soit l’endroit où l’on se trouve. Accompagner les usagers en complément de la carte PassPass avec l’appli Melcome (places dispo en parking, vlille, …). Ouverture des données (opendata) pour que des appli émergent. Faire déployer la 3G/4G dans le métro (déjà prévu à horizon 2018).

9 - Lancer l’écobonus mobilité (le péage positif que nous évoquions plus haut) au plus vite pour une mise en service dans 18 mois et avec un accompagnement souhaité de l’Etat (le préfet était présent à cette réunion)

10 - Lancer un nouveau grand projet métropolitain : une ligne de tramway de 10 km reliant les gares de Lille à l’aéroport de Lesquin.

Comme on peut le voir, le contenu de la journée était dense. A noter également que, lors de cette journée, les résultats de l’enquête ménages déplacements de 2016 ont été révélés. Il en ressort que la part modale de la voiture est à 57% (+ 1 pt par rapport à 2006), celle de la marche est à 29,5% (en baisse), celle des transports en commun à 11% (+ 2 pts), et celle du vélo à 1,48% (en très légère baisse, et avec un intervalle de confiance pas très bon étant donné le faible chiffre).

Les publications de Vincent KAUFMANN : https://people.epfl.ch/cgi-bin/peop...

Document technique du CEREMA sur la régulation dynamique de la vitesse sur l’A25 : http://www.territoires-ville.cerema...


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