Créer une vraie Direction de la Mobilité à Lille Métropole

Publié le 24 juillet 2013

Le monde de la mobilité est en pleine effervescence en ce moment avec un certain nombre de projets de loi qui sont en cours de vote au Parlement. Nous allons faire ici le focus sur l’un d’entre eux : la dépénalisation du stationnement payant.

De quoi s’agit-il ?

Actuellement, le stationnement payant sur la voirie n’est rien d’autre qu’une taxe d’occupation de l’espace public. On paie un montant défini à l’avance pour avoir le droit d’occuper l’espace public pendant une durée prédéterminée. Et si on "oublie" de payer cette taxe de stationnement, un agent assermenté (c’est obligatoire qu’il le soit) établit un procès-verbal avec une amende associée de 17 euros. Le produit de ces amendes va dans les caisses de l’Etat et le recouvrement est pris en charge par le Trésor Public. Une faible partie seulement retourne dans les caisses de la ville. Mais le Sénat, à l’initiative de sa commission du développement durable, a adopté le 5 juin 2013 un amendement visant à dépénaliser le stationnement et l’Assemblée Nationale en a fait de même le 20 juillet. Ce que cela change concrètement, c’est qu’il n’y a plus de taxe d’occupation de l’espace public mais une redevance pour service rendu. Cette redevance sera réglée spontanément par l’usager dès le début du stationnement. Et, s’il omet de le faire ou s’il stationne plus longtemps que la durée pour laquelle il a payé, un forfait de post-stationnement sera appliqué, plus dissuasif que l’amende de 17 euros actuelle et dans tous les cas plus cher que s’il avait prépayé. Ce sera donc le même type de fonctionnement que celui qu’on connaît déjà dans les parkings privés.

Pourquoi dépénaliser le stationnement ?

Parce que la gestion du stationnement constitue un des éléments de la politique de mobilité dans les villes. Or, avec le fonctionnement actuel, les villes décident des emplacements payants ainsi que du prix à payer pour occuper ces emplacements. Mais pour ceux qui ne paient pas, c’est cette fois-ci l’Etat qui décide du prix de l’amende (17 euros en l’occurence). Et dans les grandes villes, ce montant de 17 euros s’avère ne pas être suffisamment dissuasif, à tel point que seulement un automobiliste sur trois paie son stationnement, les autres préférant courir le risque d’une amende incertaine et pas chère que de payer un stationnement qui coûte de toute façon cher. Partant de ce constat, il est logique d’arriver à la conclusion que le système serait plus efficient si les villes maîtrisaient l’ensemble des paramètres à savoir le coût du stationnement et le prix à payer en cas de non paiement.

Quels changements cela va-t-il apporter ?

- Le premier changement, c’est que le montant du forfait de post-stationnement sera décidé par les villes et donc variable selon l’endroit où l’on se trouve. Il ne pourra pas être supérieur au prix d’une journée complète de stationnement. Le texte de loi précise que "le barème tarifaire (...) peut être modulé en fonction de la durée du stationnement, de la surface occupée par le véhicule ou de sa contribution à la pollution atmosphérique. Le tarif de la redevance peut prévoir une tranche gratuite pour une durée déterminée."
- Le second changement, c’est que l’intégralité des recettes sera perçu par les villes. Il n’y aura plus de versement à l’Etat. Néanmoins, le GART (Groupement des Autorités Responsables des Transports), à l’initiative de cette mesure, a calculé que l’Etat ne sera pas financièrement perdant dans la mesure où il récupèrera une TVA à 19,6% sur les tickets de stationnement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. En effet, rappelons que l’on va désormais payer une redevance pour service rendu (donc la TVA s’applique) quand nous payions avant une taxe, pour laquelle la TVA ne s’applique pas.
- Le troisième changement c’est que, comme il ne s’agit plus d’amendes, le constat d’insuffisance de paiement ne doit plus être fait par des agents assermentés. Autrement dit, cette tâche peut par exemple être déléguée à des sociétés privées, comme c’est d’ailleurs déjà le cas dans d’autres pays. Certaines sociétés comme Vinci entrevoient déjà là un marché juteux potentiel !

Le stationnement et la voirie font partie intégrante de la politique de mobilié

La gestion du stationnement est un élément important de la politique de mobilité d’une ville ou d’une métropole. En augmentant le prix du stationnement, on décourage l’utilisation de la voiture et on favorise le report modal. On décourage également l’utilisation prolongée des places de stationnement, une mesure qui prend tout son intérêt quand on sait qu’environ 20% du trafic dans certaines villes est causé par des véhicules en recherche d’une place de stationnement libre ! D’ailleurs le texte de loi le dit très clairement en annonçant les objectifs de cette mesure : "le barème tarifaire de la redevance de stationnement est établi en vue de favoriser la fluidité de la circulation, la rotation du stationnement des véhicules sur voirie et l’utilisation des moyens de transport collectif ou respectueux de l’environnement". Cette loi vient donc clairement réaffirmer l’importance de la politique de gestion du stationnement pour améliorer les conditions de la mobilité dans les villes. D’ailleurs, au-delà du seul stationnement, c’est toute la gestion de la voirie qui fait partie de la politique de mobilité. Par exemple, lorsqu’il s’agit de mettre en place des dispositifs permettant de donner la priorité aux bus dans les carrefours à feux. Et, au-delà de l’équipement technique des carrefours à feux, lorsqu’il s’agit de programmer de façon effective les cycles de feux pour qu’ils donnent réellement la priorité aux bus. Ou encore quand il s’agit d’aménager la voirie pour créer des sites propres pour les transports en commun.

Quand on a dit tout cela, il y a une question qui vient naturellement à l’esprit : pour quelle raison le transport et la mobilité d’une part, et la voirie d’autre part, se trouvent-ils dans deux Directions différentes à Lille Métropole ? L’organigramme de cet établissement public est très clair :

- Mobilité et Transports : sous la direction de Thierry DU CREST, elle regroupe la branche Mobilité d’une part et la branche Transports d’autre part.
- Espace public, écologie et services urbains : sous la direction de Philippe LEMAIRE, elle regroupe les branches Eau, Espace public et voirie, Résidus urbains, Assistance à maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’oeuvre.

Cela ne vous étonne-t-il pas, vous aussi, que la voirie ne se trouve pas avec la mobilité et les transports ? Car la voirie, qu’est-ce d’autre finalement qu’un des outils de la mobilité (et non des moindres) comme nous venons de le voir et comme la loi l’affirme désormais ? C’est pour cela que nous avons intitulé cet article "Créer une vraie Direction de la mobilité", sous-entendu la doter également de la compétence voirie. Quand des entités différentes doivent agir de concert pour mener à bien une politique, il y a souvent des forces de frottement et de l’inertie qui nuit au système, c’est assez inéluctable. N’a-t-on donc pas là un levier potentiel pour augmenter l’efficience globale ?

Pour ceux qui aiment les détails

Vous pouvez retrouver le texte de loi complet ici (lisez les articles 36bis et 36ter) : http://www.assemblee-nationale.fr/1...

PROPOSITION N°2013/004 (juillet 2013) : étudier l’opportunité de transférer la compétence voirie sous la Direction de la mobilité et des transports, direction que l’on pourrait d’ailleurs renommer au passage "Direction de la Mobilité", puisque le transport n’est autre qu’un sous-ensemble de la mobilité.


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