10 engagements contre la thrombose : l’avis de Lille Transport

Publié le 28 septembre 2016

Le 22 septembre, la MEL a tenu ses Assises des Mobilités et de l’Accessibilité, dont nous vous avons fait le compte-rendu. En clôture de cette journée, durant laquelle le constat d’une thrombose était partagé, le Président de la Métropole, Damien Castelain, a annoncé 10 engagements pour la rendre plus accessible.

Nous vous proposons dans ce nouveau volet de reprendre un à un chacun de ces engagements et de vous en présenter une analyse :

1 - Instaurer une conférence annuelle de l’accessibilité

C’est une bonne chose que le sujet de la mobilité et de l’accessibilité soit une priorité politique suivie par un grand rendez-vous annuel. Cependant, il ne faut laisser croire que ces événements sont des espaces de débat et de dialogue, notamment avec les citoyens et les usagers. Nous aimerions que ceux-ci soient davantage consultés, en premier lieu au travers des comités de lignes Transpole qui ont disparu depuis 2014.

2 - Rédiger un schéma métropolitain de la mobilité et de l’accessibilité pour que les différents services se mobilisent ; et cela en co-construction avec les citoyens.

Ceci est très bien si ce schéma s’inspire du Grenelle des mobilités de Bordeaux ou même de la démarche « Mobilité, Liberté 2030 » du Département du Nord, mais c’est à éviter s’il s’agit d’un énième document de planification que l’on oublie une fois qu’il est écrit.

3 - Poursuivre, à la MEL, une politique ambitieuse en matière de transports publics et optimiser le rendement des 2 milliards d’euros de la DSP

C’est la mise en scène politique d’un très gros budget métropolitain (contrat à 2 milliards, hors renouvellement de matériel et autres coûts, soit une politique publique de 3 milliards). C’est un prolongement de tendance et d’investissements déjà réalisés sauf… la dépense d’équipement des portiques dans le métro dont on doute qu’il s’agisse d’une priorité.

4 - Ne pas opposer les modes de transports, donc intégrer aussi les routes (2500 km de routes gérées par la MEL, plus 800 km transférés du département à la MEL en 2017)

On peut être perplexe sur cet affichage, d’autant que face aux transports collectifs dont on met en avant le coût très important, aucun chiffrage n’est évoqué. Des projets (auto)routiers restent à l’étude ou en phase d’avant-projet… A coup sûr un gros budget pour la MEL !

5 - Accentuer les efforts sur les modes doux avec un plan vélo ambitieux : réaliser 100 km d’aménagements cyclables supplémentaires, sécuriser les points noirs cyclables, proposer une aide à l’achat d’un vélo, le tout pour 30 millions d’euros d’investissement

Très bien, c’est une demande de longue date de la part de l’Association Droit Au Vélo (ADAV) afin de rattraper le retard de la métropole sur les mobilités actives. Le point positif, c’est de parler du vélo comme d’un véritable instrument de mobilité quotidienne ; le bémol, c’est que les modes doux ne visent pas la marche, grande absente des annonces du Président (voir ci-après). Quant à la satisfaction sur la réussite du V’Lille, cela reste à débattre si on met le coût en regard.

6 - Adapter nos politiques aux nouveaux comportements de mobilité : développer les pôles d’échanges (Pont de Bois et Eurotéléport dans le mandat), le covoiturage et les stations d’autopartage, ainsi que l’électromobilité.

Une annonce très « multimodale » autour de ce que l’on appelle souvent les « nouvelles mobilités ». Un sujet important qui mérite un vrai portage politique mais aussi une véritable prise de recul sur les enjeux : s’il s’agit de créer des parkings de covoiturage ou des places avec recharge électrique, ça reste de l’espace public confisqué par la voiture… D’autres pistes, telles que la filière hydrogène, pourraient également être explorées.

7 - Influer sur les temps de la vie et de la ville (sur les habitudes), via la création d’un bureau des temps et des solutions concrètes pour décaler les horaires des grands employeurs, des universités...

Une excellente perspective de travailler à trouver des solutions concrètes pour décaler les horaires des grands employeurs souvent source d’engorgement des infrastructures. Ce sont des solutions low-cost de régulation de la mobilité qui peuvent rapporter gros et éviter de construire des nouveaux réseaux coûteux.

8 - Améliorer l’information des usagers : de qualité, en temps réel, quel que soit l’endroit où l’on se trouve. Accompagner les usagers avec l’appli Melcome (places de parking, V’Lille…). Ouvrir les données (opendata). Déployer la 3G/4G dans le métro.

L’objectif est noble, mais le retard accumulé est grand. L’information multimodale à Lyon est déjà passée au « prédictif » (prévoir 1h à l’avance les conditions de circulation), alors qu’à Lille, on peine à obtenir une information fiable en temps réel. D’autres questions sur le périmètre de cette information se posent (on imagine mal que l’application « Melcome » - ou celle de Transpole - dépasse les limites de la MEL), alors que le SMIRT réfléchit à une information multimodale à l’échelle du Nord-Pas-de-Calais voire des Hauts-de-France.

9 - Lancer l’écobonus mobilité (péage positif) dans les 18 mois avec l’accompagnement de l’État

On le savait, le Président Castelain avait déjà laissé entendre qu’il allait mettre en place le péage positif (écobonus) au début de l’été en pleine consultation de la MEL. C’est donc confirmé malgré l’absence d’attente des habitants : une question de cette consultation présentait une liste de propositions pour améliorer l’accessibilité : l’idée d’inciter financièrement les automobilistes n’est apparue qu’en 8ème position sur les 12 proposées. De plus, il reste beaucoup de questions pour rendre ce dispositif, inspiré de Rotterdam, opérationnel et… acceptable.

10 - Lancer un nouveau grand projet métropolitain, le tramway entre les gares de Lille et l’aéroport de Lille-Lesquin (10 km)

C’est la fin du suspense car on imaginait difficilement un mandat sans grand projet… Fin du suspense car plusieurs tracés pouvaient être mis en débat, même si le Président avait déjà évoqué son souhait de rattacher l’aéroport au centre de Lille avec un transport lourd. Plusieurs questions se posent : 10 km de tramway pour atteindre un aéroport qui fait 1,5 million de passagers/an, soit environ 4000 par jour (dont une bonne partie qui ne viendront de toute façon qu’en voiture), quelle pertinence ? L’une des justifications du projet tient essentiellement à la desserte du projet économique « Lille-Aéroparc », sur les terres agricoles autour de l’aéroport. Et quel tracé ? Notons également que des territoires pourront se sentir lésés, notamment ceux qui attendent depuis longtemps le tram-train (par exemple au nord entre Lille et Comines).

Outre ces sujets qui ont été abordés, nous déplorons de grands absents lors de ces Assises :

Le stationnement : on parle de fraude dans les transports en commun, mais pas un mot sur le stationnement dont la décentralisation de la compétence est pourtant en cours. Comment lutter contre cette fraude ? Comment réguler le stationnement ? Pourquoi pas une sorte de péage urbain comme l’évoque le CGEDD en modulant les prix du stationnement en fonction du nombre de personnes dans la voiture ?

Le SMIRT : la question de l’intermodalité était parfois en filigrane mais la contribution du SMIRT aux politiques de transports n’a jamais été mise en avant. Les représentants de la Région ont même indiqué avoir pris la mesure de leur rôle de chef de fil en matière d’intermodalité, et certains ont laissé entendre qu’il ne fallait pas multiplier les structures de gouvernance. Bref, le Syndicat Mixte Intermodal Régional des Transports semble dans l’angle mort des politiques de transport.

La marche : c’est pourtant simple, mais on ne connaît pas. Un mode de transport pourtant universel qui assure près d’un déplacement sur trois dans la métropole, en grave repli… mais pas dans la feuille de route des politiques métropolitaines. C’est pourtant un sujet d’ampleur y compris pour les déplacements interurbains car c’est aussi la qualité du premier et du dernier kilomètre qui influence le choix modal.

Les personnes à mobilité réduite : c’est simple, les PMR, on ne connaît pas non plus. On a failli s’étouffer quand M-P. Daubresse s’est réjoui d’avoir ajouté le terme « accessibilité » aux politiques de transport et de mobilité de la MEL, « accessibilité » étant selon lui synonyme de congestion routière (nous dirions même plus, de thrombose !). Les PMR et les enjeux d’accessibilité de la voirie et des espaces publics sont clairement minimisés malgré les politiques nationales ambitieuses en la matière.

Le tram-train : suite à une question de la salle, Damien Castelain a évoqué ne pas avoir enterré le tram-train. Bon, il ne l’a pas ressuscité non plus, loin de là. En choisissant le corridor sud pour « son » tramway, il oublie la branche « nord » qui réclame un tram-train depuis longtemps, et qui l’attendra encore longtemps. A moins que le terminus du tramway Lille-Lesquin ne soit prolongé au nord plutôt que d’avoir la gare de Lille comme terminus.

Martine Aubry : absente, et peut-être même pas conviée à cette grande fête politique (qui manquait pourtant cruellement de parité). Elle n’a pas eu le plaisir d’écouter les attaques frontales de la CCI (Philippe Hourdain) sur le plan de déplacement lillois. Elle aurait pu rire avec nous de la surenchère : « aujourd’hui, on ne peut plus faire une réunion à Lille ! » Oui car beaucoup ne raisonnent encore qu’avec la voiture. On a même entendu que « dans 5 ou 6 ans, on n’entrera plus dans Lille si on ne fait rien ». Non, c’était mieux qu’elle ne vienne pas !

La prise de recul ou de hauteur : lorsque l’on organise des "assises", on s’attend à ce que les diagnostics soient établis avec rigueur, que l’on regarde sa situation par rapport aux autres et que l’on relativise les problèmes qui peuvent être les nôtres. A l’écoute de quasiment tous les orateurs, on a l’impression que l’agglomération lilloise est un enfer nuit et jour pour les automobilistes, partout et tout le temps, le pire endroit sur Terre pour eux... Pour illustration, cet échange de tweets avec le président du Conseil Départemental qui imagine la situation lilloise bien pire que la plupart des agglomérations françaises... et se fait reprendre par plusieurs twittos, évoquant notamment un classement des villes congestionnées réalisé par TomTom. Dommage pour un tel événement de ne pas essayer d’être plus objectif sur la situation réelle...


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